La candidature d’Emmanuel Macron est au centre des attentions. (mise à jour 11 février)
(mise à jour d’avril: nouvel article)
Points suspects:
- J’ai la forte impression que l’engouement autour de son « mouvement » ne soit qu’artificiel et trompeur. Il a lancé son mouvement par des consultations de militants, mais ces études peuvent n’être là que pour légitimer les idées que le Chef partage avec lui-même (article intéressant sur les limites des consultations citoyennes).
- Un projet flou: pour le moment il en reste à des déclarations d’ordre général. Le flou permet que chacun imagine et interprète l’avenir comme il le rêve, et ça permet d’empêcher tout angle d’attaque pour les détracteurs (quand il n’y a pas de projet, il n’y a rien à critiquer). Il faudra attendre début mars pour avoir du concret (enfin, peut-être). On peut penser qu’il s’agit d’une stratégie électoraliste: tant que les sondages montent, il n’y a aucune raison de présenter la moindre chose qui pourrait enrayer la dynamique. Et plus on se déclare tard, moins ça laissera de temps à l’analyse du projet, et ça permet de réorienter son discours en fonction de la situation des adversaires.
- Des soutiens? Il n’y a pas de personnage public le soutenant et s’étant exprimé explicitement sur ses projets et analyses. Est-il le seul à savoir où il veut nous emmener?
- Des débats contradictoires? Toujours pas de débat avec un contradicteur (concurrent ou journaliste). C’est à croire qu’on va devoir attendre ceux d’avant premier tour.
- Qu’est-ce qu’il nous dit qu’il ne va pas au final servir les intérêts du milieu financier d’où il vient (en défaveur de l’intérêt général). Selon l’Obs, ses partenaires dans son parti et son micro-parti de financement ne font pas vraiment dans le social. (d’ailleurs, les promesses n’engagent que ceux qui y croient) On peut avoir un gros a priori sur sa volonté de lutter contre l’optimisation fiscale.
- Son action sur les secteurs régulés (taxis, notaires…) avait fait pschitt.
- Qui le finance? Je suis très curieux de savoir comment se répartissent les donations accordées à son parti (par exemple, sur le total du financement, quelles sont les parts de celles à moins de 50€ et de celles de 7 500€, le plafond).
- Selon le livre « Dans l’enfer de Bercy: Enquête sur les secrets du ministère des Finances », Macron aurait utilisé (ce qu’il dément) 120 000€ des frais de représentation de Bercy lorsqu’il était en poste pour mettre son mouvement en marche (rencontrer diverses personnalités qu’il reverra par la suite une fois sa candidature officialisée).
- Gros meeting à 400 000€, boîtes de com’, médiatisation calculée: est-ce bien différent des « autres »?
- Sous sa direction et après sa démission, Bercy a refusé de communiquer les contrats de concessions autoroutières comme l’a ordonné le tribunal administratif. Quel intérêt a-t-il cherché à défendre? L’accord s’avèrerait-il défavorable aux usagers?
- Selon lui, le CETA (accords de libre-échange Canada-Union Européenne) aurait dû se faire sans demander l’approbation des divers parlements européens car ces accords commerciaux relèveraient uniquement de la compétence de l’Union (qui a pour une négociation bien plus de poids que les nations prises individuellement), et non pas un accord mixte (qui touche des compétences des États). C’est une analyse controversée (pas partagée par les opposants au CETA). Mais si il a été décidé au préalable que ce sera un accord mixte, alors on ne peut pas prétendre en cours de route que ce n’est pas vraiment le cas et dire aux parlements nationaux « vous avez juste le droit d’en discuter un peu et d’accepter » comme ça c’est passé avec le parlement wallon. Ce qui donne un consensus de façade au niveau européen comme le monde un article intéressant de Mediapart dont voilà un bon extrait.
- Le bilan: Comment compte-t-il faire passer des réformes quand celles qu’il a porté sous Hollande ont multiplié les manifestations ? Il faudrait qu’il dise clairement qu’il assume la loi Macron et la loi travail/El Khomri et qu’elles sont la base et un modèle de sa future politique.
- La transformation de l’ISF, cadeau aux plus riches ? Il propose de transformer l’ISF afin qu’il ne cible que les rentes immobilières et pas les actifs financiers qui participent à l’économie. Donc grosso-modo ça sera très favorable à une poignée de super-riches qui ont une fortune en actions et autres.
- Son discours d’hommage à Jeanne d’Arc à Orléans en mai 2016 (alors qu’il était en poste à Bercy) où les références à celle-ci (« [fendant] le système] », « rassemblant ») étaient des allusions pitoyables à sa propre candidature future. Belle démonstration d’instrumentalisation de sa position officielle et d’un bien gros melon.
Points enthousiasmants:
- C’est un des rares à soutenir ardemment qu’une Union Européenne forte et unie est indispensable sur la scène mondiale (avec une UE à rendre plus démocratique et mieux perçue par les citoyens), alors que nombre d’autres tapent sur Bruxelles pour excuser leurs échecs passés. Que pèse la petite France seule face aux géants économiques états-unien et chinois, ou face aux armes de la Russie? Une UE faible, c’est la garantie que ces géants continuent à discuter avec les membres de l’UE individuellement et à obtenir à chaque fois ce qu’ils veulent.
- Vu qu’il est « hors-système », il n’a pas à concilier des positions qui sont peu compatibles (ex: Mélanchon-Montebourg/Valls, ou Juppé/Fillon), ni à soutenir des élus condamnés pour des faits graves. (enfin, avec un soutien comme Gérard Collomb qui a fait financer par le public le stade privé de Lyon de son pote Aulas, pas sûr que ça soit une belle démonstration de la recherche de l’intérêt public).
PS: attention, les doutes vis à vis d’un candidat ne veulent pas dire qu’il y ait un autre qui soit plus honnête, plus compétent ou ayant un meilleur projet.